Il y a 45 ans : L’AMOCO CADIZ

On s’en souvient tous ici…

Alors que ce matin du 17 mars 1978, chacun vérifiait sa chaudière tant l’odeur de pétrole était entêtante, nous étions loin d’en imaginer la raison ni au-devant de quelle terrible catastrophe nous allions.

Vers 21 heures, le 16 mars et sous des conditions météorologiques exécrables, l’Amoco Cadiz, un supertanker à destination de Rotterdam, alors en panne de gouvernail dérivait et venait de s’échouer sur le littoral finistérien. Coupé en deux par l’acharnement de la houle, il touchait le fond et laissait s’échapper de son ventre disloqué des tonnes de pétrole brut, de matière brune, épaisse et gluante.

Dès 23h45, le plan POLMAR relatif à la pollution marine était déclenché : réunion d’urgence à Paris, acheminement des barrages flottants, avis aux pays voisins, tentative d’allègement du bateau… La machine était en route.

A la dérive de nuit et par une mer déchainée, malgré les fusées de détresse et l’appel SOS envoyé par le pétrolier, les affaires maritimes étaient impuissantes face à l’ampleur du sinistre. C’est par hélitreuillage que 42 des 44 membres d’équipages furent évacués in extrémis, le commandant et un autre membre étant restés à bord encore quelques heures.

Au matin, une vision d’apocalypse attendait les habitants de Portsall, petite commune littorale à la pointe du Finistère. Les dégâts étaient considérables et la mer n’était plus qu’une masse sombre et gluante de laquelle on devinait à peine les vagues. Les oiseaux se noyaient dans la lourdeur de ces eaux, sous les yeux médusés des habitants.

Force était de constater qu’une terrible marée noire avait bel et bien commencé sur notre belle côte du Léon.

Les 220 000 tonnes de pétrole rejetés durant des jours par l’épave allaient progressivement envahir tout le littoral nord breton sur 375km, et concerner pas moins de 98 communes entre la baie d’Audierne et Saint Brieuc. La Côte des Légendes est également sévèrement touchée tel en témoigne ces photos prises par M. Loriant à Kerlouan et aux alentours.

Les conséquences étaient affolantes et les chiffres parlaient d’eux-mêmes : Au moins 20 000 oiseaux morts, 6 000 tonnes d’huitres détruites, 30% de la faune aquatique et 5% de la flore anéanties. Au total, près de 260 000 tonnes d’animaux marins ont péri dans la catastrophe.

A l’aide de pelles et de seaux, 40 000 militaires, bénévoles affluant de toute la France, pompiers, entreprises privées, agriculteurs et même les élèves ont sans relâche nettoyé les plages, les rochers, les oiseaux mazoutés…. Il leurs aura fallu 6 mois pour en arriver à bout et plus de 7 années pour que la faune marine récupère totalement de ce désastre. La route qui longe le littoral de Meneham est d’ailleurs toujours là pour nous rappeler les efforts conséquents faits à l’époque pour nettoyer nos plages : en effet, elle a été construite pour cela et reste aujourd’hui une séquelle de ce drame.

« L’Amoco », comme on l’appelle ici, a été dynamité sur place une quinzaine de jours plus tard dans le but d’éviter une lente pollution. Il git aujourd’hui au large de Portsall par 30m de fond et seule son ancre, installée aujourd’hui face à la mer, nous rappelle au souvenir ce naufrage hors normes qui a laissé un traumatisme écologique sans précédent et en nous tous, un traumatisme psychologique indélébile.

Des mesures ont été prises depuis cette catastrophe considérée comme l’une des plus graves de l’histoire. De nouveaux radars sont aujourd’hui installés et le rail d’Ouessant a été créé. Les pétroliers et autres bateaux de commerce passent aujourd’hui bien plus au large et un puissant remorqueur est affecté à l’assistance. Il est installé près de l’île à chaque tempête.

La nature a aujourd’hui repris ses droits mais ce désastre est encore bien présent dans l’esprit des bretons qui, même indemnisés, espèrent ne plus jamais revivre un tel cauchemar.

Cela fait tout juste 45 ans… et le site de Meneham, touché comme tant d’autre en Bretagne, souhaitait rappeler ce terrible évènement pour que plus jamais il n’en advienne de nouveau.