Ty Journal de mars 2025 – Meneham, village coopératif

Meneham a connu son apogée avec 80 habitants vivant en quasi-autosuffisance. La vie communautaire y était très forte, basée sur l’entraide et le partage. Les habitants tiraient parti des ressources maritimes et terrestres pour subvenir à leurs besoins, limitant ainsi leur dépendance à l’extérieur. Elles n’avaient alors peu recours à l’offre extérieure, ou juste pour des produits comme le sucre, le café, le vin, l’huile et les vêtements.

Nos lectures nous ont inspiré cet article pour partager avec vous comment ces modes de vie se traduisaient en pratique. Vous découvrirez que ces approches contrastent fortement avec les tendances actuelles, et les leçons à en tirer sont nombreuses.

Tout d’abord, pour mettre des noms sur les habitants, voici tous les noms des familles de Meneham : Habasque, Guillerm, Belleg, Boëdoc, Salou, Gourhant, Héllégoët, Rognan, Cochard, Didou, Gac, Ronvel, Uguen, Toupin, Buzaré, Castel, Dourmap, Le Borgne, Gervez, Hamon.

La mer et ses richesses

On dit des habitants d’ici, qu’ils étaient des “goémoniers cultivateurs”. La récolte du goémon se faisait lors des grandes marées où ils se réunissaient entre 3-4 familles. Ensuite venait l’étape du séchage, du retournement, et de la mise en petits, grands tas et meules où plusieurs couches d’algues étaient ainsi bien tassées. 

Diverses formes de goémon aux usages variés étaient alors récoltés, il servira d’engrais ou brûlé dans les fours spécialement construits pour. Une fois brûlé, il se refroidit pour former des “pains de soude”, prisés pour leur teneur en iode et vendus à des usines spécialisées.

La vente du goémon était une source de revenus très importante pour les habitants du village.

© Tourisme Côte des Légendes

Une autre source de richesse maritime valorisée était la pêche aux crustacés : crabes, homards et langoustes. Cette pêche était réalisée à l’aide de casiers d’osier fabriqués par les habitants. Ils les relevaient tous les jours, allant jusqu’à 100 casiers par équipage. Les crustacés étaient ensuite réunis par catégorie dans des nasses dans la réserve du port, toujours dans l’eau et vivants jusqu’à ce qu’ils soient livrés. Ils étaient ensuite apportés en fin de semaine, dans des hottes que les hommes portaient sur leur dos jusqu’au port de l’Aber Wrac’h et de Brignogan. Ces derniers se retrouvaient en bandes de familles ou amis pour le trajet, heureux d’arroser la rude semaine. Finalement, ce n’est qu’en 1945 que le mareyeur venait directement à Meneham pour acheter les produits.

© Claude Le Gall

La terre et ses richesses

© Valery Joncheray

L’environnement autour du village était composé de petits champs, des talus entourant ces derniers. Les habitants possédaient également des parcelles à 3-4km du village. Le labourage se faisait avec un cheval et un araire, et le travail de la terre était une affaire collective, impliquant même les jeunes dès 14 ans et les femmes. 

© Tourisme Côte des Légendes

Les produits récoltés : des céréales, de l’ail, des échalotes, des betteraves, des pommes de terre, des carottes, etc. La plupart étaient revendus et une partie pour leur consommation personnelle ou bien celle des animaux. La terre sablonneuse ou lourde, amendée par du goémon ou du fumier s’avérait très bonne. Il n’y avait pas besoin d’acheter graines et semences, les meilleurs plants refaisaient leurs graines comme il se doit pour repartir de plus belle. 

La culture des endives a particulièrement redoré l’économie locale. Initiée par Alain Jaouen dont on lui avait prêté un bout de champ du village, cette nouvelle culture a séduit les habitants, qui se sont regroupés avec lui en coopérative. Ceci a permis une récolte suffisamment importante d’endives pour faire connaître le produit et l’expédier. La récolte d’endives était non seulement financièrement bénéfique mais aussi une occasion de travail collectif et festif.

© Tourisme Côte des Légendes

Habitants de Meneham, paysans, pêcheurs, goémoniers, rudes mais heureux travailleurs, en résumé. Hommes comme femmes et enfants, aidaient au travail de la mer et de la terre, par tout temps et saison. On voit bien que dans le récit de ces derniers, que même si le travail était rude, ils le faisaient avec plaisir, en famille, dans l’entraide et non forcés. Ils savaient que ce travail portait ses fruits, pour eux mais aussi pour les autres, et en recevaient les fruits pécuniaires en retour. 

Ce mode de vie basé sur l’entraide et la coopération est un exemple inspirant, surtout dans notre société actuelle souvent individualiste.

© Valery Joncheray

Aujourd’hui, de plus en plus de personnes aspirent à une vie simple et autosuffisante, que ce soit par le biais d’habitats partagés ou de petites coopératives agricoles. En portant haut des valeurs comme la résilience, l’adaptabilité, la coopération ou encore la durabilité environnementale, la vie des anciens habitants du village revêt un aspect très contemporain. Meneham pourrait ainsi servir de modèle pour valoriser les richesses de nos terres et mers.

Sources :

Le livre de Marie Guillerm / Kerbrat, « Meneham, berceau de mon enfance. De 1846 à 1996 ». Disponible en boutique à la Maison de territoire du site de Meneham

Ty Journal de septembre 2024 – Le patrimoine de Meneham

En septembre, mois des Journées européennes du patrimoine,

il semblait évident de vous décrire un peu plus le patrimoine du site de Meneham.

Le patrimoine architectural du village

« L’authentique village de Ménez Ham, est installé sur une pointe rocheuse, au pied d’un énorme chaos granitique qui le protège de la mer et des vents d’Ouest.”

Au-delà de son emplacement unique, dans un cadre idyllique ou chaotique, le patrimoine architectural du village l’est également, unique et typiquement local.

Nous allons voir les spécificités de chaque bâtiment et leur évolution.

© Valery Joncheray

La maison du corps de garde

© Thibaut Poriel

Cette maison est semble-t-il la première construction du hameau. C’était en effet un poste de guet construit fin du 17e siècle, qui appartenait au système de défense côtière de Vauban

Édifiée entre deux énormes rochers, constituée d’une seule pièce et éclairée par deux petites fenêtres de taille inégale et son toit en granit, en font une modeste et sommaire maison.

On y trouve également des postes d’observation et de mitrailleuse.

© Valery Joncheray

La « Maison Boédoc »

Cette maison juste en dessous du rocher du corps de garde, a été édifiée à la fin du XIXè siècle. Elle est donc la plus récente du village. 

C’est aujourd’hui là où se trouve l’accueil du site avec une boutique de produits locaux, de la documentation touristique et une salle d’exposition.

Nous l’appelons la Maison de territoire.

© Tourisme Côte des Légendes

La caserne

En dessous, se trouve un long édifice qui comprenait 6 logements occupés tout d’abord par l’armée, puis par les douaniers de 1817 à 1835. Par la suite les logements furent loués aux habitants connus du village : les paysans-pêcheurs-goémoniers jusqu’en 1978. 

© Valery Joncheray

La façade de l’édifice fait 40m de long ! Des petites constructions s’y ajoutent, servant de remises ou l’une de four à pain.

C’est dans ce bâtiment que se trouve maintenant, les ateliers d’artisans ainsi que la première pièce au bout qui informe de tout l’historique chronologique du site.

Les maisons à avancées 

Encore en dessous, on peut distinguer les maisons à avancées. Ces maisons ont une  architecture particulière, de par leur avancée – sorte de décrochement en forme de rectangle en façade. 

Bien que exiguës, l’avancée rendait l’espace intérieur plus vaste, celle-ci était alors prévue pour y loger la table. 

© Tourisme Côte des Légendes

Une des maisons était recouverte d’un toit de chaume et l’autre en ardoise. On y trouve devant le premier four à pain du village 

Aussi, les familles qui y vivaient étaient un peu plus aisées car elles exploitaient les terres du fond du village moins sableuses, plus riches et donc au rendement plus élevé. 

© Emmanuel Berthier

Ces maisons ont été transformées en gîte d’étape en juillet 2007 : le Gîte de Meneham.

La « Maison Salou »

© Tourisme Côte des Légendes

De l’autre côté du chemin traversant le village, nous apercevons la maison “Salou”. Datant de 1833, elle a su garder son caractère original. Il s’agit de la dernière maison à avoir été habitée.

Elle possède un puits, le seul du village en forme de demi-cloche typique du Pays Pagan. La maison est flanquée de deux remises et d’un lochenn qui est un abri sommaire souvent fabriqué à partir d’une vieille coque de bateau que l’on retournait et mettait sur cale et sur laquelle on jetait les vieux filets. Cet abri était idéal pour faire sécher les casiers et le matériel de pêche.

© Tourisme Côte des Légendes

Voici une petite description d’un plan de maison, par Marie Guillerm / Kerbrat : « Le mur nord, généralement aveugle, était réservé aux lits clos et aux armoires. Les cheminées étaient toujours, en pignon, d’un côté ou de l’autre de la maison. Les portes regardaient vers le sud, côté terre. Elles étaient flanquées d’une fenêtre et parfois d’une autre petite ouverture de la taille d’une grande vitre. »

Aujourd’hui, ce sont trois maisons qui composent un espace muséographique.

La fameuse « chaumière » 

Enfin, au-dessus des maisons Salou, se trouve la fameuse chaumière du village qui était une habitation comprenant deux logements, prolongés par des étables et des soues à cochon. Le logement en meilleur état a abrité le bistrot, puis nommé l’auberge qui a fonctionné de 1936 à 1973.

Aujourd’hui, le “Bistrot des Légendes” a repris le service pour proposer une offre de restauration aux visiteurs.

© Tourisme Côte des Légendes

L’évolution des bâtisses de Meneham après 1975

À son apogée, le village dénombrait 14 maisons occupées par 80 personnes puis dans les années 1950, une cinquantaine de personnes vivait encore là. Les habitants n’étaient cependant que locataires. Vers 1900, la propriétaire est une certaine Madame Bert demeurant à Nantes, elle décide de vendre le village en 1936 en donnant la priorité aux habitants. Par un malheureux concours de circonstance, le hameau change de propriétaire en 1955.

Et en 1975, le site de Meneham est classé aux “Monuments historiques”. L’auberge ferme deux ans plus tard, et les habitants désertent petit à petit le site ne pouvant plus entretenir les bâtiments comme stipulé.

Les bâtiments, ainsi délaissés, tombent peu à peu en ruine et le dernier habitant quitte le village en 2001. 

Il est alors racheté en partie par la commune de Kerlouan et le Conseil Général du Finistère (les dunes). L’objectif principal est alors de restaurer le village à l’identique en respectant l’architecture existante et les matériaux d’origine. Le projet est réellement lancé en 2002 et la restauration commence en novembre 2004 pour s’achever en juin 2009.

  1. © Tourisme Côte des Légendes
  2. © Inventaire général, ADAGP
  3. © Valery Joncheray

Maintenant géré par la Communauté de Communes Lesneven-Côte des Légendes, Meneham est animé par de nombreuses associations et tous les professionnels qui le font vivre : Tourisme Côte des Légendes pour l’ouverture et l’accueil du site, les artisans, Françoise Lyvinec du Gîte de Meneham et le Bistrot des Légendes.

Sources :